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LES POÈTES DU TERROIR

GILLES MENAGE

(1613-1692)


Né à Angers, le 23 août 1613, il eut pour père Guillaume Ménage, avocat du roi dans cette ville. Il commensa par faire du droit, se fit recevoir avocat et plaida successivement à Angers, à Paris et à Poitiers, puis soudain, changeant d’état, se fit ecclésiastique et fut pourvu du doyenné de Saint-Pierre d’Angers, dont le revenu lui permit de se livrer en toute sécurité à ses travaux littéraires. Grammairien, jurisconsulte, historien, critique et poète, il ne négligea rien pour acquérir la notoriété. Ses succès furent rapides. « Présenté par Chapelain au cardinal de Retz et à l’hôtel de Rambouillet, il se vit accueilli de tout ce qu’il y avait à Paris d’élevé en talents et en naissance. Ses connaissances dans les langues grecque, latine et espagnole étendirent sa réputation jusqu’à l’étranger ; il fut nommé membre de l’Académie de la Crusca. Réunissant en patrimoine, en bénéfices et en pensions près de 10,000 livres de rentes, il recevait, les mercredis, dans sa maison du cloître Notre-Dame, une société de gens de lettres qui en prit le nom de Mercuriale. Ménage devint alors une puissance littéraire ; grand parleur, son verbe haut, sa mémoire infatigable, lui donnèrent une autorité dont il était difficile qu’il n’abusât point. Il commença par composer sa Requête des dictionnaires à l’Académie, qui lui en ferma les portes à tout jamais. C’est une satire, en style burlesque, sur les occupations grammaticales de ce corps savant, tournées en ridicule d’une manière spirituelle et mordante. Sa pédanterie, son ton tranchant, ses plaisanteries assez lourdes, mais qui ne ménageaient personne, le brouillèrent bientôt avec Chapelain, auquel il devait ses premiers protecteurs ; avec ses protecteurs eux-mêmes, avec Gilles Boileau, Cotin, l’abbé d’Aubignac, le père Bouhours, Baillet, et enfin Molière, qui s’en vengea en le mettant en scène sous le nom de Vadius, dans les Femmes savantes[1] ». On s’aperçut alors que son érudition réelle était confuse, sans choix, mal ordonnée. Il perdit peu à peu sa considération, et sa mort, le 23 juil-

  1. Viollet-le-Duc, Bibliothèque poétique, p. 601.