Moi, que ton poing massif peut tordre ainsi qu’un fil,
Je franchisse d’un bond les broussailles incultes !
Alors, lutteur, prends-moi. Frappe, renverse, étreins !
Le craquement des os est doux à ton oreille ;
Comme le vigneron les grappes de la treille,
Écrase allègrement ma poitrine et mes reins !
Je sentirai mon cœur se vider goutte à goutte :
Mon cœur, tel que l’épi battu par les fléaux,
Que la feuille séchée aux pignons des préaux,
Tel que le fruit tombé sur l’ajonc de la roule !
Quand tu l’auras broyé dans un suprême effort,
Arrête-toi. — Remets ta ceinture et ta veste,
Et puis va-t’en, — Je veux que le souffle me reste ;
Je pourrai vivre heureux, car mon cœur sera mort.
Tu t’en retourneras, vaniteux de ta force,
Ô lutteur, provoquant à des combats nouveaux,
Abattant méchamment la tête des pavots
Et dépouillant les troncs légers de leur écorce.
Et moi, dans mon courtil en fleurs j’irai m’asseoir.
Ne portant plus en moi la peine accoutumée,
Je me réjouirai de l’aube parfumée,
Des midis empourprés et des chansons du soir.