Il est près de Salles, à droite, une source claire.
Des fougères noires, de la mousse et du lierre
se mirent doucement à sa limpidité.
La grand’route la longe, et la chaleur d’été
fait sur la terre une blanche vibration.
Celui qui suit la route (on disait un piéton)
sent la terre brûler aux cordes de ses sandales.
Autour de lui bourdonne la chaleur pâle ;
mais quand il approche de la petite source,
il se sent inpndé par une fraîcheur douce.
Bien souvent j’ai suivi jusqu’à votre hameau
cette route blanche qui va à Hagetmau.
Mes yeux, qui se fixaient à l’horizon des côtes,
y voyaient, agrandies, des silhouettes d’hommes.
Mais c’est en vain que mon regard triste a cherché
la diligence qui, avant que je fusse né,
ramena au pays, le long de la source vive,
mon grand-père qui revenait des Antilles.
J’allais dans le verger, où les framboises au soleil
chantent sous l’azur à cause des mouches à miel.
C’est d’un âge très jeune que je vous parle.
Près des montagnes je suis né, près des montagnes.
Et je sens bien maintenant que dans mon âme
il y a de la neige, des torrents couleur de givre
et de grands pics cassés où il y a des oiseaux
de proie qui planent dans un air qui rend ivre,
dans un vent qui fouette les neiges et les eaux.
Oui, je sens bien que je suis comme les montagnes.
Ma tristesse a la couleur des gentianes qui y croissent.
Je dus avoir, dans ma famille, des herborisateurs
naïfs, avec des boîtes couleur d’insectes verts,
qui, par les après-midi d’horrible chaleur,