Page:Van Bever - Les Poètes du terroir, t1, Delagrave.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
BÉARN

CYPRIEN DESPOURRINS

(1698-1749)


Le plus ancien et le plus célébre des poctes du Béarn, Cyprien Despourrins, naquit en 1698, à Accous, dans la vallée d’Aspe. Sur les bords de la Berthe, entre Bedous et Accous, au pied d’un rempart de granit appelé la Pène d’Esquit, sur un monticule s’élève encore, dit-on, la maison où le « Théocrite » des Pyrénées passa son enfance. Ses ancêtres, comme les autres habitants de la contrée, étaient pasteurs. Un d’eux, ayant fait fortune en Espagne, acheta à son retour l’abbaye de Juzan, laquelle lui donna, entre autres privilèges, « l’entrée aux états, la nomination à la cure d’Accous, alternativement avec les Pères du couvent de Sarrance, la jouissance de nombreuses dimes et le droit de péage à la porte d’Aspe ». Pierre, le père du poète, suivit la carrière des armes, servit avec bravoure dans les armées de Louis XIV, et obtint du roi l’autorisation de faire sculpter au-dessus de sa porte trois épées que l’on y voit encore, en mémoire d’une victoire qu’il remporta sur trois geutilshommes étrangers. Il épousa Gabrielle de Miramont, des environs d’Argelès, qui lui donna trois fils : Cyprien, notre poète ; Joseph, qui devint curé d’Accous, et Pierre, vicaire de la mème paroisse. Cyprien Despourrins avait hérité du courage et de la hardiesse paternelle. Une anecdote le prouve. Se trouvant offensé, un jour, à Eaux-Bonnes, il envoie son valet à la maison paternelle, afin de querir son épée. Son père la lui fait émettre, mais, soupçonnant une aflaire d’honneur, suit le messager, franchit les montagnes escarpées d’Escot et de Benou et arrive tout d’une traite à Eaux-Bonnes. Là, il apprend que son fils s’est enfermé dans une chambre avec un étranger. Il entre dans la maison, et, percevant un cliquetis d’armes, attend impassible l’issue du combat. Enfin le bruit cesse, le jeune Despourrins sort précipitamment et trouve aux écoutes son vieux pére, l’épée sous le bras, prèt à prendre sa place s’il eût succombé.

En 1746, Despourrins, qui n’avait gucre quitté ses « chéres montagnes », préférant le commerce de ses compatriotes à la fréquentation d’une cour à laquelle il eût pu faire figure, fut appelé à succéder aux siens. Il vendit ses propriétés d’Aspe et