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trait le plus fort, et ils n’eurent, pour se l’approprier, qu’à y mettre l’empreinte de leur génie. Personne avant Rabelais n’avait été de taille à fabriquer toutes les armes qui pussent leur convenir. En effet, parmi ses ancêtres du moyen âge, auteurs de sirventes[1] et de romans allégoriques, y en eut-il qui approchèrent de lui ? Certes quelques troubadours, comme Guillaume de Figueras invectivant contre Rome, montrèrent une véritable énergie, des trouvères, tels que Jean de Meung[2] et Pierre de Saint-Cloud[3], surent railler fort agréablement. Mais leur vit-on jamais brandir avec la vigueur et l’entrain de cet hercule, une marotte, en guise de massue ? On en chercherait vainement un seul. La comparaison les écrase : ils paraissent des pygmées auprès du colosse de la Renaissance. Il est donc naturel qu’il ait la prédominance et joue un rôle si considérable dans le mouvement de rénovation sociale, où il tient la tête, et qui se continue après lui, grâce au courage et à l’esprit de quelques hommes supérieurs, malgré les efforts

  1. Poésies satiriques des troubadours.
  2. Continuateur du Roman de la Rose.
  3. L’un des auteurs du premier roman de Renard.