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potiron. Que dire de Mardigras, monstre ailé, gros et gris, ayant un plumage cramoisi, l’œil flamboyant, les oreilles vertes, les dents jaunes, une longue queue noire, les pieds blancs et diaphanes ? À coup sûr, Quaresmeprenant et Mardigras éclipsaient le serpent enchanté sous la figure duquel apparaissait la fée Mélusine. C’est, on le voit, par une monstrueuse exagération que Rabelais porte un rude coup à l’extravagance des romanciers, sachant bien que le ridicule, plus fort que la violence, tranche mieux la plupart du temps les grandes questions.

Le pédantisme régnait alors dans les universités, particulièrement dans celle de Paris. Malgré le mouvement de rénovation philosophique qui commençait à se produire sous le souffle de la libre pensée, Aristote[1] était encore pour beaucoup de docteurs subtils, attachés avec fanatisme aux dogmes de la philosophie scolastique[2], le grand maître, le

  1. Célèbre philosophe grec, fondateur du Lycée.
  2. La théologie prédominait dans cette science nommée scolastique c’est-à-dire philosophie des écoles d’Occident où elle prit naissance au IXe siècle et fut cultivée avec passion pendant plusieurs siècles, non sans avoir suscité par moments de véritables discordes entre de fanatiques sectaires qui s’épuisaient dans de longs et stériles débats : témoin la querelle des Nominalistes et des Réalistes, des Scotistes et des Thomistes. La scolastique n’eut point d’ennemi plus redoutable que la Renaissance. Cependant, bien qu’elle touchât à sa fin, elle soutint encore la lutte au XVIe siècle, avec d’autant plus d’acharnement qu’elle se sentait perdue.