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LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

hôpital où j’avais des amis. On le traita pour la fringale. Il eut portion double, du rôti, du vin.

Mais on signala, au bout de quelque temps, une mortalité considérable dans la salle qu’il occupait. Les malades tombaient comme des mouches : c’était Poupelin qui les tuait.

Il profitait de la souffrance qui les clouait sur le lit pour leur raconter sa vie et leur montrer ses papiers. Il inquiétait les agonies, il troublait les derniers moments ; on le vit faire signer des certificats à des malheureux qui rendaient l’âme.

On s’alarma.

Poupelin, qui avait une mine de chanoine, dut s’en aller. Le chef de service constata, à partir de ce jour, une diminution sensible dans le chiffre des morts.

Poupelin s’éloigna, et, dégoûté des hommes, il partit pour la banlieue, où il avait laissé du linge quelques années auparavant.

Il retrouva son linge, une place dans la maison, des saucisses les jours de fête et une cuisinière qui l’adorait. L’établissement ayant fait faillite, Poupelin songea à fonder, avec le cordon bleu, une petite fruiterie ; mais on le planta là pour un dragon.

Poupelin reprit son bâton de pèlerin et se remit à parcourir les communes.

Il mène depuis des années cette vie postiche et vagabonde, allant d’une extrémité du département à l’autre, enjambant même dans Seine-et-Marne, mais, de préférence campant à l’ouest pour l’Empe-