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LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

nous longeâmes les Tuileries. Poupelin était ému, mais calme.

Mon ami, en face de ce silence, sous le ciel brûlant, commençait à se repentir. « Nous sommes, me dit-il à un moment où il croyait n’être pas entendu, sur la trace d’un grand crime. »

Par trois fois, nous entrâmes dans les cafés, et nous en sortîmes, Poupelin en tête.

Enfin, à l’entresol d’un estaminet sombre, Poupelin se déboutonna, déboucla la vieille bretelle qui retenait le portefeuille, l’ouvrit toute grande, et, le levant dans sa main gauche, de la main droite il frappa au milieu et dit :

« Ce n’est pas pour vous humilier, loin de là ! Mais vous n’en avez pas des comme ça ! »

Il est de fait que mon ami ne portait pas de papiers établissant qu’il était sensible, maigre ou gras. Poupelin triomphait.

Avant de lever la séance, il nous soumit un procès verbal de la journée, qu’il nous pria de lui signer, si nous n’y trouvions rien de compromettant.

Il était ainsi conçu :

« Nous certifions nous être promenés avec le sieur Poupelin, et rien, dans le cours de cette promenade, ne nous a paru trahir chez lui une nature venimeuse et malfaisante. »

Nous signâmes.