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LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

Un jour, il regarde marcher un prisonnier entre deux gendarmes, et ses yeux se mouillent. Vite, il tire une écritoire de sa poche, et se fait délivrer par les assistants cette attestation : « Nous déclarons qu’un monsieur que nous ne connaissons pas, un peu noué, en voyant passer un prisonnier, a paru vivement ému et qu’il a versé des larmes. »

Par un beau soir d’été, au no 11 de l’ancienne rue d’Enfer, il laisse tomber son portefeuille dans la fosse commune. Nous entendons des cris affreux : Poupelin, d’une main, retenait ses vêtements, de l’autre s’arrachait les cheveux. Il courut au poste des pompiers, et revint avec un sapeur qui plongea, et, dans l’abîme, alla repêcher la serviette.

Ce sont ces papiers-là qu’on peut toucher quand on est entré dans la familiarité de Poupelin ; mais autrement il ne les montre qu’aux fonctionnaires et aux gendarmes.

Je me rappelle le jour solennel où je les vis.

C’était un dimanche de juin. Nous partîmes du Luxembourg, un compatriote et moi, ayant Poupelin entre nous deux, Poupelin qui ne devait plus rien nous cacher.

On prit la rue de Seine, les quais ; nous descendîmes sous les ponts, nous remontâmes. Il faisait un soleil torride. Nous enfilâmes le pont des Saint-Pères,