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LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

çons, l’éternelle ressource ! mais des leçons à dix sous. Sur son costume, les prix baissaient. Il a été garçon chez un apothicaire, et secrétaire de Paul Féval.

C’est à la suite de ce secrétariat qu’il fonda sur ses économies, en collaboration avec un poète, Constant Arnould, le Sans le sou, qui fit du bruit. Il a été le rédacteur en chef gérant-propriétaire de l’Enfant terrible, qui eut deux numéros ; il a fait imprimer une élégie, deux brochures, et collaboré au Bohème, à l’Appel.

C’est comme porteur des journaux dont il était corédacteur en chef ou collaborateur, qu’il gagnait les deux francs par semaine dont nous avons vu la distribution ingénieuse et vaillante.

Avec ses quarante sous, il mangeait et prenait de temps en temps son café.

Je lui demandai, après l’avoir écouté me raconter ses aventures, s’il voulait être notre secrétaire, à un camarade et moi, pour écrire une pièce que nous parlerions au coin du feu, et je lui proposai, comme rétribution, sa nourriture. Je savais bien ce que je faisais, et la spéculation était bonne. Je le priai de me fixer un chiffre. Combien par mois ?

« J’aime mieux vous le dire tout de suite, me répondit-il. Je ne pourrai plus vivre comme autrefois… D’abord ! je mangerai tous les jours.

— Que voulez-vous !…

— Il me faut ma demi-tasse.

— Allez toujours.

— Mes cigares ?