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LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

Ainsi fait et vêtu, il n’avait d’autre ressource que le métier de hasard ou le travail de peine. Mais ici encore il était trop faible pour porter des fardeaux. Quant à gagner sa vie en faisant n’importe quoi, il y a essayé ; on ne le lui a pas permis.

Il a essayé aux Halles de faire les commissions ; mais il est interdit, au nom du factage réglementé, de porter un pain de beurre ou un sac de pommes. On sait déjà qu’il n’avait pu étaler le Spectre noir, et je l’ai vu qui tremblait devant les têtes de mouchard, quand il faisait sans permission, le commerce des biscuits ou des verres à gaz.

On ne peut rien vendre, rien tenter, rien faire, sans autorisation ou sans médaille.

En demander une ? Mais on hésite ! C’est se mettre pour la vie au ban de la société !… On ne s’en relève pas, le préjugé pèse sur vous et sur vos fils : c’est un boulet aux pieds, une plaie au cœur ! Eût-on de quoi acheter une sellette pour cirer les souliers, on n’ose pas pour cent raisons ! « Je n’aurais pas décrotté, dit Fontan, par respect pour les lettres. »

Qu’il retourne dans son pays ! diront les uns.

Et des souliers ?

Je me serais tué, crient les autres. Fontan n’a jamais pensé au suicide.

On se doit au monde, dit-il. Et puis ce serait se rendre, et il ne veut pas se jeter, vaincu, dans les bras de la mort, après l’avoir fait reculer quinze ans !

Il a fait ce qu’il a pu, des copies de thèses, des recherches pour des archéologues. Il a donné des le-