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LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

à quatre les trois litres à seize dont le flot ardent avait mis le feu dans nos veines et l’inspiration sur nos lèvres. Gérard défendait la monarchie, nous étions pour la république ; Boulmier nous récita de sa voix vibrante une olynthienne ; Paygan nous fit l’histoire du bataillon de Flotte. Ah ! nous ne songions, Dieu nous en est témoin, qu’au bonheur des peuples ; nous n’aimions que le beau, ne voulions que le vrai !

Vous payâtes 5 fr. 40 et nous partîmes.

Chacun dit qu’il rentrait chez soi, et je le dis comme les autres.

Vous croyiez que je restais route d’Orléans : j’y restais… le temps de la suivre jusqu’à Arcueil, et là, je me couchais sous la lune.

Mais ce jour-là, un peu gai, peut-être un peu parti, l’idée me prit de découcher. Derrière une haie verte, j’avisai un monticule où se trouvait ménagé un trou comme une niche. Je m’y laissai couler et m’étendis.

Il plut pendant la nuit, et l’eau passait sous moi par une petite rigole courant dans l’herbe ; mais il n’est pas de joie sans mélange, et dans les cieux les plus cléments passent des éclairs d’orage. Je ne pouvais en vouloir au bon Dieu de mettre un peu d’eau dans mon vin.

Les exigences de la civilisation troublaient pourtant ma vie nocturne et me gâtaient ma saison.

Je fus une nuit découvert par un garde champêtre,