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L’HABIT VERT.

les innocents appellent le crime ? La pièce de vers qui suit va nous raconter cette histoire.


Un journal, un matin, fut jeté par la main d’un inconnu sur le comptoir de Caroline. Il y avait dans un coin les vers qui suivent.


L’HABIT VERT


C’était… vous savez quand ? J’avais pris la rotonde,
Mes bras s’ouvraient tout grands pour embrasser le monde,
Je n’avais pas, mon Dieu ! fermé l’œil de deux nuits,
J’étais un fort poète en marche sur Paris.
L’Auvergnat déposa ma malle à votre porte.
— Les vrais bonheurs souvent vous viennent de la sorte. —
Vous étiez fraîche, belle, une rose de mai,
Votre cou, votre nez… enfin je vous aimai.
Mais vous ne m’aimiez pas, j’avais l’air un peu bête,
Je parlais fort ; les yeux me sortaient de la tête ;
J’étais assez bien fait, mais assez mal couvert,


— J’avais un gilet jaune avec un habit vert. —

T’en souviens-tu, pourtant, qu’un beau soir de novembre,
Je te parlai si doux, ma chère, dans ta chambre,
Et te donnai si bien un courageux baiser,
Que ta lèvre n’osa me défendre d’oser ?
Te le rappelles-tu qu’on éloigna la bonne ?
Tu m’appelas : chéri, je t’appelai : mignonne,
J’appuyais doucement ton cœur contre le mien,
Et je représentais la province assez bien.