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LE BACHELIER GÉANT.

debout, il posa ses deux pattes de devant sur ma poitrine, et me regarda immobile.

Sa tête me parut énorme ! Son souffle ardent passait sur mon visage !

Je tremblai : le lion le sentit !

Il retomba sur ses quatre pattes, muet, tranquille. Je voulus sortir ; mais il se mit entre la porte et moi !

Rassemblant alors toute mon énergie, et jouant un jeu suprême, d’une main je serrai contre moi Violette, qui pleurait, de l’autre je cinglai avec ma cravache le mufle de la bête fauve.

Et la douleur lui arracha un formidable rugissement qui alla glacer le cœur de la foule :

« Sortez, » crièrent quelques voix.

Assassins, pourquoi m’aviez-vous fait entrer ?

Je pus pourtant passer et soulever la porte, mais je dus, pour cela, détourner mon regard et quitter un instant les yeux de l’ennemi.

Je l’entendis bondir, me retournai… — Le meurtre était commis !

La figure de notre pauvre petite fille n’était qu’une large plaie rouge, et ses yeux pendaient déchirés par la griffe du lion.

Il lui avait d’un coup labouré le visage, et sous sa patte étouffé la plainte ! La foule poussa un hurlement d’horreur quand elle aperçut cette tête pétrie : l’enfant n’avait même plus de bouche pour crier !

La bête était allée se coucher dans un coin : je pouvais sortir maintenant.