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LE BACHELIER GÉANT.

— Oh ! Rosita n’hésita point ! On eût dit qu’elle était contente, la malheureuse, de courir près de moi un danger, et le lendemain même de ma honteuse découverte, alors qu’elle était sûre que je n’avais rien cru de ses hardis mensonges, elle prit plaisir, avec une grâce coupable et des tendresses agaçantes, à irriter la blessure malsaine qu’elle avait faite.

J’aurais juré parfois qu’elle m’aimait toujours !

Nous acceptâmes donc la succession sanglante du dompteur et commençâmes notre apprentissage.

Métier triste, celui d’animal féroce en France !

Les voyez-vous étendus, pensifs et lâches, sur la poussière du plancher ?

On est allé les prendre dans le désert, où le sable est brûlant.

Ils erraient libres sous le ciel, allaient voir le matin se lever le soleil, chassaient, le jour, et, le soir, rentraient repus dans leur tanière ; leurs rugissements se perdaient dans l’immensité.

Ils sont là, maintenant, dans une cage de trois mètres, vaincus, esclaves, résignés ! Ils hurlaient, ils bâillent ; ils déchiraient la chair vivante, buvaient le sang qui fume, — on leur mesure leur repas, maintenant, et, encore, faut-il qu’ils l’aient gagné !

On devra sortir du silence dédaigneux ou du songe muet :

« Tout beau, là-bas ! d’Artagnan, couché ! fais le mort ! Taisez-vous, les fauves !… »

Lions, tigres, panthères, léopards, les loups, les hyènes ! L’ours blanc, ce naufragé du Nord qui des-