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LE BACHELIER GÉANT.

sourire, il me coûta cher, et tout mon être dut se tendre pour le grimacer !

Ce qu’il arriva ensuite, le croiriez-vous ?

Quand nous laissâmes la baraque, d’où nous chassait sa trahison, je demandai au pître, à Bêtinet, oui, à lui-même, de nous suivre.

Je voulais, fanfaron piteux, prouver par là que je ne croyais point à la calomnie : peut-être je craignais que Rosita, sans lui, ne consentît point à partir.

Mon égoïsme aussi parlait ! J’avais raté ma vie, et je tenais à ce que le boulet, auquel j’avais soudé ma chaîne, vînt avec moi !

Quoi qu’il en soit, les choses se passèrent ainsi, et Bêtinet donnait le bras à Rosita quand nous sortîmes.

Il faut être bien fou, n’est-ce pas, bien fou, bien lâche ?…

Que celui qui n’a jamais été fou et lâche devant les femmes me jette la première pierre ! »


Et en disant cela le géant relevait la tête, et de son œil ardent semblait défier un invisible ennemi.


« Je vous fais grâce de mes émotions ! la vie n’est pas faite que de cela, les soupirs ne nourrissent point, la douleur creuse.

Il s’agissait de gagner son pain.

Par une fatalité cruelle, le choléra passa dans le village où vivaient Fouille-au-Pot et sa sœur, et les emporta tous les deux.