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LE BACHELIER GÉANT.

Enfin, une bonne chance se présentant, il revoit la lumière du ciel. Il trouve moyen de s’associer à un directeur de troupe qui, sachant ce que vaut un bon pître, lui donne une part dans les bénéfices, et devine tout le parti qu’il peut tirer de sa verve et de sa finesse.

Il le charge des missions délicates et le voit toujours revenir triomphant.

C’était une lutte terrible alors entre les directeurs et les saltimbanques. Dieu sait ce que ces malheureux ont dû payer ! Laroche, à lui seul, a donné plus de 30,000 francs pour les droits des théâtres ou des pauvres.

Bêtinet se chargeait de mettre dedans l’ennemi.

Un jour, c’était pour la foire de Saint-Quentin. Il part en avant, arrive à midi, reste avec les voitures aux portes de la ville, ôte sa blouse de voyage, en prend une plus déchirée, effrange sa culotte, comme on dit que quelques régiments abîment exprès leur drapeau, pétrit sa casquette et arrache l’âme de ses souliers, puis il demande le théâtre.

Il s’y rend, monte l’escalier des artistes et se fait annoncer au directeur. On refuse de le recevoir, il insiste. Il est introduit.

Le directeur devant ce paquet de haillons, recule jusqu’à la fenêtre et l’ouvre.

Bêtine, salue gauchement et dit son histoire.

« Il a un petit cabinet de magie blanche, assez propre. »

Le directeur le toise et sourit.