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LE BACHELIER GÉANT.

Rosita avait repris son métier d’aboyeuse et jappait à la porte.

La troupe fit merveille, si bien qu’on ajouta une voiture à la première ; on commanda une grande affiche :


LE MUSÉE VIVANT


et l’on s’occupa de chercher un pître.

Ici un soupir souleva la poitrine du géant qui se remit et continua :

« Ce pître on le trouva, vous le connaissez, c’est celui que vous avez vu ce matin dans la baraque, et qui y sera encore demain, toujours, tant qu’il y aura un sou dans la caisse et Rosita dans la maison.

Oh ! quand il arriva à l’heure du souper, à la façon dont il s’assit, leva son verre, je compris qu’il allait être le maître et qu’il traînait le malheur après lui !

Lorsqu’il monta sur les tréteaux pour faire, avec Rosita, la parade, je flageolai sur mes jambes de géant !

J’avais toujours redouté pour elle, je veux dire pour moi, cette vie du tréteau, où elle serait l’héroïne des danses et des pantomimes lascives, où patrons et paillasses auraient le droit d’embrasser ses épaules, de pétrir sa taille, où devant elle, on marchanderait sa beauté : je les avais vus, par-dessus la toile, ces libertins oisifs, fils de famille aux lorgnons