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LE BACHELIER GÉANT.

Mais la paille sortait par le ventre de nos exceptions, et nous gagnions à peine de quoi la renouveler.

Nous trouvâmes bientôt heureusement à nous employer.

Un autre, plus heureux, joignit nos morts à ses vivants, et m’offrit des appointements particuliers pour mes 6 pieds 5 pouces. Rosita devait faire l’annonce.


Je redevins géant et fis mon début entre l’homme sans bras, dit le Piéton courageux, et la femme sans jambes, dite le Râble mystérieux.

Le Piéton courageux est ce gaillard à qui vous avez vu faire l’exercice du fusil avec ses pieds, qui prise avec son orteil, et a des cors au doigt qui tient la plume.

Le Râble mystérieux ! Vous avez dû la voir aussi rôder par les rues sur une petite charrette traînée par un âne et qui la mène dans les banlieues, où elle a seulement le droit de se montrer, depuis que, sur une place de Paris, elle fit s’évanouir, en agitant son moignon, la femme enceinte d’un haut fonctionnaire, dont l’enfant, quand il vit le jour, avait laissé la moitié de lui-même dans l’autre monde.

Elle marche résignée dans la vie, sur un derrière en crin, suivant les uns, en chêne suivant les autres, et, pour être franc, je n’ai jamais su au juste si c’était de l’étoffe ou du bois, une pantoufle ou un sabot ; qu’importe ! puisqu’elle exécutait là-dessus, là de-