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LE BACHELIER GÉANT.


III

J’en fis une habitante des mers australes, prise par des pirates, sauvée par des Anglais et tatouée par tout le monde.

Quant à moi, laissant de côté les langues mortes, je devins simplement un Patagon, son cornac, qui seul pouvais me faire entendre et obéir d’elle.

C’était ce bon Fouille-au-Pot, vieux serviteur toujours fidèle, qui criait ces belles choses à la porte !

Grâce à son annonce et à un javanais inventé pour notre plaisir, Rosita et moi passions notre vie à nous moquer des spectateurs.

L’envie de rire nous prenait quelquefois ; alors elle se retournait mugissante, criait, grognait et étouffait la crise dans le ventre de son poulet cru. Moi je me penchais pour l’apaiser, et nous nous tordions.

Je ne riais pas toujours cependant, et je poussais des soupirs plus longs que moi en la recrépissant, car je la peignais comme on fait d’une porte, le pot à colle dans une main, le pinceau dans l’autre. Sur ces chairs que j’aimais, je jetais un manteau d’encre et d’huile, et je passais des anneaux de rideaux dans son nez rose.

C’était donc elle que je voyais là, rôdant comme une bête fauve, mâchant du caporal, crachant du feu !