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LE BACHELIER GÉANT.

Aux portes des villes on s’arrête, on attache le cheval à un arbre, avec un bout de corde, à l’endroit où l’herbe est moins pâle ; il ronge les racines, lèche la terre.

Les enfants vont aux environs couper la folle avoine, ramassent les branches fraîches pour l’écurie et du bois mort pour la cuisine ; on allume le feu et l’on mange — ce que l’on a ! On disloque un peu les moutards, on époussette les phénomènes et l’on rentre dans la voiture ; on tire le rideau et l’on dort.

Le soleil se lève, on se remet en route. C’est demain la foire, il faut avoir sa place, aller voir le maire, dresser son théâtre, gagner sa vie.

Ceci est la caravane des commençants ou des ruinés, de ceux qui se montent ou de ceux qui meurent, qui n’ont plus la vogue, qu’on trouve trop vieux ou trop tristes, dont les veaux sont pelés, les trompes connues, les bras usés : c’est un berceau ou une tombe, cela roule vers la fortune ou vers l’abîme, à la grâce de Dieu, au hasard du monstre !

La caravane des arrivés est autre chose. Elle est traînée par des chevaux qui ont eu l’honneur de travailler devant des têtes couronnées ou qu’on loue ad hoc dans le village ou dans la ville.

Il y a chambre à coucher, cuisine, salon ! des poêles, une cheminée, un coin du feu ! on s’y visite, on y reçoit.

C’est propre, bien frotté, ciré, tapissé.

« Tenez, fit le géant en prenant sur un des rayons de sa petite bibliothèque un papier crasseux, voilà