Page:Vallès - Les Réfractaires - 1881.djvu/238

Cette page a été validée par deux contributeurs.
231
LE BACHELIER GÉANT.

— Vous ?

— Je vous ai vu pleurer de là-bas… Prenez garde, j’ai mon collier à grelots. »

Le lendemain je ne fis pas ma classe, et Rosita ne joua point.

Elle passa la journée à demander pardon pour Fouille-au-Pot, et quand elle partit, je vidai mon sucrier dans ses poches.

« Pour le petit cheval, lui fis-je en souriant.

— Garde le collier, » dit-elle.

Et le géant, tapant sur un coin de la commode, me dit : « Il est là. »

Puis il reprit :

« Rosita revint plusieurs fois ; j’allai moi-même dans la baraque. Je passais la nuit là, sous ce toit de planches, dans cette voiture où avait gémi, grogné un peuple de monstres. Il me semblait quelquefois, dans le silence, entendre le hurlement des hôtes d’autrefois, hommes ou bêtes…

Mais rien ne criait plus haut, ne hurlait plus triste que ma sauvage jalousie.

Elle en avait aimé d’autres avant moi, et quand elle m’embrassait, moi géant, c’était peut-être à un géant mort qu’elle songeait, la zingara ! Qui sait ? elle avait été peut-être la maîtresse d’exceptions affreuses ; elle avait appuyé sur son cœur des têtes qui n’avaient rien d’humain. Tant mieux ! Je préférais, dans mes retours sombres vers le passé, lui croire pour amants des gens au corps horrible, que penser qu’elle avait, dans cette voiture où l’on se