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LE BACHELIER GÉANT.

La foule m’oublia pour rire du chien, et je partis, doublant le pas ; on va vite avec mes jambes. Je fus bientôt chez moi.

À peine arrivé, je fondis en larmes, je pleurai — comme un nain ! J’avais mes deux grandes mains toutes mouillées, et je ne pouvais plus voir mes yeux dans mon miroir cassé. Je me mis à une fenêtre qu’on n’ouvrait pas et qui donnait sur le cimetière, et je laissai le vent qui passait par-dessus les cyprès sécher mon visage et baigner de fraîcheur mes cheveux. Je restai longtemps ainsi accoudé, à boire à pleins poumons l’air du soir. Ce déluge de larmes avait comme noyé ma mémoire ; à peine flottait au-dessus le souvenir des émotions tristes de la journée.


Il se faisait tard ; l’allumeur de réverbères avait passé depuis longtemps ; mes voisins, des ouvriers sans femme ni famille, étaient rentrés ; je m’étendis moi-même sur mon lit et m’assoupis dans la douleur et la fatigue.

Je fus réveillé brusquement de ce sommeil pénible par un coup frappé à ma porte.

« Qui est là ? » demandai-je tout étonné.

On ne répondit pas.

Je renouvelai ma question.

Même silence.

Une idée me vint, mon sang afflua au cœur, et, en tâtonnant, j’ouvris la porte.

On la referma.

« C’est moi, dit une voix qui me fit tressaillir.