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LE BACHELIER GÉANT.

Je le suivis, et nous entrâmes dans une chambre propre, au bout d’un escalier boueux, au cinquième étage. Il se baissa pour passer sous la porte, se tint plié en deux jusqu’à ce qu’il fût assis, et il alluma la chandelle.

Je jetai un coup d’œil autour de la chambre : rien n’y sentait le saltimbanque ; sur les rayons d’une petite bibliothèque en bois blanc reposaient quelques livres soutachés d’or, teintés de bleu ou ornés de palmes qui se croisaient, avec des rubans verts ou roses pour marquer les pages.

« Ce sont mes prix d’école et de collège ! dit le géant. Voulez-vous voir mon diplôme ? »

Il ouvrit un tiroir, mais, en cherchant, il mit à jour un médaillon qu’il repoussa brusquement sous les papiers.

Je ne pus voir quel était le visage, mais il avait deviné mon geste.

« C’est elle, dit-il, la femme hercule, celle de la baraque, que Bêtinet embrassait si bien ce matin.

« Et maintenant, voici mon histoire, je vais vous la dire : Prenez, je vous en prie, vos aises, et écoutez-moi jusqu’à ce que je vous ennuie. Cela me fera plaisir, d’ailleurs, de causer avec un homme qui n’a qu’une tête. »

Je portai machinalement la main à cette tête pour voir si elle était seule ; le géant sourit et commença.


Je vous dis, dans mon boniment, que je suis né