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LE DIMANCHE

La femme d’un autre, l’épouse adultère, elle est prise aujourd’hui : il est là. À Roger la semaine, au mari le dimanche… C’est lui qui délace le corset de Fanny, ou bien, ce sont les enfants qu’on a amenés de l’école, pauvres petits êtres dont on est jaloux, et qui font à leur mère un rempart de leur innocence… C’est encore la famille des grands parents, qui vous regarde comme un ennemi ; il vous vient presque des remords.


5 h. 40 min.

La foule remonte, les jardins publics se vident, les rues se repeuplent, les restaurants commencent à se remplir. Le patron étire les serviettes, essuie les carafes, presse le chef, gourmande l’officier — cet enfant de troupe de la cuisine.

Cependant, trois familles sont déjà installées. Une julienne ouvre la marche de Balthazar, deux purées croûtons lui succèdent, le rognon saute, le bourgeois frémit, l’orgie commence.

On voit à travers les carreaux l’homme et la femme qui feuillettent la carte, en s’interrogeant d’un air tragique. « À quoi avons-nous droit ? » Tel est le premier cri qui s’échappe des deux bouches (1 potage, 3 plats au choix, un dessert pouvant se remplacer par un petit verre de vespétro (quel nom !), une demi-bouteille de Mâcon (!!) pouvant se remplacer par une bouteille et même deux, si l’on veut y mettre l’argent. Ils se consultent… On les entend demander du faisan ! Il