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D’UN JEUNE HOMME PAUVRE.

LA MORGUE.

Peut-être trouverait-on sur les dalles quelqu’un de sa connaissance, son bottier, par exemple. Ce spectacle jetterait un peu de gaieté dans l’âme. Mais non : ces gens-là ne meurent que quand on les a payés ! Il a encore longtemps à vivre.

LES CAFÉS.

Dans la semaine, on va faire un tour au café. Si l’on n’a pas d’argent, on a toujours un ami en face duquel on s’assied, comme si l’on avait une confidence solennelle à lui faire. Quand le garçon demande : Que faut-il servir à monsieur ? Grog ? demie ? On répond un : Je m’en vais, significatif. Le garçon, qui connaît ce genre de consommation, s’éloigne, et l’on reste deux heures à la table.

Mais c’est aujourd’hui une autre population qui envahit le local, ceux-là même qui ont des figures connues ont une autre tournure et d’autres airs de tête. Les consommateurs sont agités, bruyants. Ils jouent des parties de cartes interminables, ou remuent, comme un chapelet de vieilles dents, un jeu de dominos crasseux qu’ils font tourner avec frénésie en attendant le moment favorable pour passer leur double.