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LES VICTIMES DU LIVRE.

Je m’arrête à Balzac.

Il résume la grandeur du livre et ses dangers.

J’aurais pu parler de Dumas, de madame Sand !

C’est assez d’Antony, et je ne veux pas passer en revue le régiment des Amazones.

La Bovary, Fanny, Lélia, le monde des amoureuses, les Victimes d’amour !

Je mets des points et je jette du blanc.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Que chacun y loge ses souvenirs, et qu’on me dise s’il n’y avait pas du livre dans tout cela, — avant, pendant et après ?

Elles ont un livre pour exécuter toutes les trahisons, poétiser leurs crimes !

La courtisane a Manon Lescaut, Léonie Chéreau copie la Dame aux Camélias, Angélina Lemoine lit Marion Delorme. Madame Lafargue avait lu aussi !

Toutes les femmes qui ont un peu empoisonné leur mari, jeté au feu leur enfant : des victimes du livre !

Tout assassin en redingote, tout suicidé en blouse, victime du livre !


Et si je regarde plus haut, sur le théâtre de l’histoire, qu’y vois-je ? Derrière l’armée de Béotie s’avance la légion thébaine, noire de poudre…

Notre génération n’a pas été avare de son sang ! Sur la route où nous hésitons, a passé un peuple de courageux, et dans les cimetières qui bordent l’arène est couché un bataillon de martyrs.

Eh bien ! si l’on déterre les victimes — je mêle ici