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DEUX AUTRES.

france, n’a pu accepter le bien-être, ou seulement supporter le remède.

Un jour, il reçut d’un notaire de province une lettre lui annonçant qu’un ami, à l’agonie, l’avait couché sur son testament pour une rente de quinze cents livres. Cet ami avait expiré la veille, Cressot pouvait venir toucher le lendemain. Il avait, pour toujours, des draps et du pain blanc.

Poète, il pouvait attendre l’inspiration, ou l’aller demander aux forêts vertes, aux rivières bleues !

Hélas ! déshabitué des opérations normales de la vie, n’ayant mangé que par hasard depuis la dernière révolution, le jour où son estomac travailla, Cressot mourut.

Il a rendu l’âme il y a quatre ans ! Son nez s’est arrêté un matin d’été 1861.


II


L’autre s’appelait Alexandre Leclerc, sculpteur de talent, dont on trouva le cadavre dans un coin du cimetière du Père-Lachaise, où il s’était pendu.

Que ceux qui ont le regret des bonheurs perdus ou le remords des fautes accomplies, aillent étrangler dans un coin leur tristesse ou leur honte, et qu’ils chassent devant eux leur âme, je le comprends : mais celui dont je parle n’avait jamais eu de vraie joie, et n’avait, certes, à rougir de rien. La