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UN RÉFRACTAIRE ILLUSTRE.

le mulet d’or n’aurait-il pas pu passer — à l’époque de cette histoire, du moins. Je ne sais s’il était toujours aussi inabordable. Le critique et le romancier étaient fort bien ensemble.

On sait que Balzac avait été chercher Planche pour l’attacher à sa Chronique de Paris. Ce jour-là justement, il devait lui lire, devinez quoi ? Une comédie, une comédie qui n’a jamais paru et ne fut du reste jamais finie. Si mes souvenirs sont exacts cependant, la comédie était en vers. Arrangez cela avec les idées si connues du romancier sur la poésie, et dites-moi que je me trompe. Je crois, Dieu me pardonne, que je dis vrai.

Le grand critique avait le mot d’ordre. Il parlemente, il dit son nom, demande M. Guillaume, — Balzac se faisait appeler M. Guillaume, — on laisse entrer chez M. Guillaume. Balzac serre la main à son collaborateur de la Chronique de Paris, et sautant sur son manuscrit, entame la lecture. Quel était le titre, le sujet ? Était-ce de la prose ou des vers ? Encore une fois, j’ai oublié. Toujours est-il qu’à la fin Balzac invite son hôte à dîner.

« Volontiers, » dit Planche un peu fatigué. Il croyait qu’on dînerait dans la maison, et que les gardiens mettraient la nappe sur la table du milieu.

Mais non, — l’on descend les escaliers. « Bon appétit, monsieur Guillaume, font les gens en s’inclinant.

— Merci, » répond Balzac en poussant Planche devant lui, et l’on arriva chez Véry.