Page:Vallès - Les Réfractaires - 1881.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.
111
LES MORTS.

distrait ou attendri une génération. Encore une fois, je ne fais retomber sur personne la responsabilité de leur malheur ; mais la défiance plane sur nos têtes. Messieurs, il y a entre nous un malentendu ! Dans tout homme qui tient une plume, une palette, un ciseau, un crayon, n’importe, le bourgeois voit un inutile ; dans chaque bourgeois, l’homme de lettres un ennemi. Préjugé triste, opinion bête, antagonisme malheureux ! Notre cause est la même, la cause vaillante des parvenus ! Je trouve le jour et le lieu bien choisis pour sceller l’alliance entre la jeune littérature et la vieille bourgeoisie. Vous avez là vos morts, nous avons les nôtres. Mêlons nos immortelles sur leurs tombes.

Allons à toutes, même à celles de nos ennemis ! Saluons-les tous, ceux qui sont tombés martyrs de l’idée, victimes de leur cœur, soldats d’un drapeau, les fils de Bretons qui se firent écraser à Castelfidardo et les aventuriers courageux qui se ruaient sur les royaux à Calatafimi. J’admire et j’aime tout ce qui est grand dans le monde, j’ai des regrets pour tous ceux qui ont écrit leur nom avec leur sang, qui sont tombés dans la mêlée en défendant ce qu’ils croyaient être la justice, ce qu’ils appelaient le devoir : de Lourmel, de Flotte ou Pimodan !

Je m’arrête : tout triste après avoir remué ces cendres, tout inquiet quand je songe que je serai lu par des mourants. Mais une parole de plus ne les effrayera pas : ils ne seront pas plus pâles !

Nous y viendrons tous au cimetière. Faisons le