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LES MORTS


I

2 novembre.

C’est aujourd’hui que les trépassés donnent audience aux vivants ; aujourd’hui qu’on va leur porter des fleurs et les saluer au cimetière.

Moi, j’irai visiter les tombes sur lesquelles personne ne viendra pleurer ; j’irai saluer d’un dernier adieu ces inconnus enterrés pêle-mêle dans la fosse commune, que n’a point, à vrai dire, enlevés la mort, mais qu’a tués la vie.

À Dieu ne plaise que je vienne ici faire le procès de mon temps, accuser mon siècle de cruauté ! Les morts dont je parle n’ont point été assassinés, mais brisés, écrasés par la fatalité. Il y a dix ans, j’aurais poussé peut-être un cri de guerre, appelé aux armes ; entraînant, comme au soir des révolutions, le cadavre des victimes, à la lueur de mes colères. C’eût été