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LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

revenaient sans pilote, sinon sans boussole, il s’approchait, et avec la bonté d’un père, les ramenait dans le droit chemin et les conduisait au parloir. Il faisait ce manège-là avec deux, trois, quatre, retournant son paletot, s’il le fallait, apparaissant en habit après être venu en manteau, imitant au besoin l’Anglais. Il avait des dimanches de quatre francs, quelquefois même de cent sous.

En semaine, il était le Mercure de la division des grands. C’est lui qui introduisait les saucissons dans la place et y glissait les journaux incendiaires. Les garçons qu’il enseignait se faisaient ses complices ; on a mangé beaucoup d’ail et bu à flots le poison des mauvaises doctrines sous son commissionnariat célèbre.

On le payait rarement en argent — des lycéens n’en ont guère ! — mais il héritait des vieux vêtements, tuniques, képis, gilets, culottes.

Je l’ai vu se promener en costume de collégien aux Tuileries, où les lycéens le regardaient avec terreur. C’était en 1859, et Chaque combattait en Grèce en 182… ! Dans quelle classe était-il donc ? Il avait commencé bien tard !

Du reste, il a (et ils sont presque tous ainsi dans ce monde des déclassés), il a la manie de l’uniforme ; car, en 1848, on le vit longtemps flâner en costume d’élève de l’École polytechnique, sans l’épée et en pantoufles.

Un de ses fournisseurs habituels était un cornichon (on appelle ainsi l’élève qui se prépare à