Page:Vallès - Les Réfractaires - 1881.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LES
RÉFRACTAIRES


Sous le premier empire, chaque fois qu’on prenait à la France un peu de sa chair pour boucher les trous faits par le canon de l’ennemi, il se trouvait, dans le fond des villages, des fils de paysans qui refusaient de marcher à l’appel du grand empereur. Que leur faisait à eux, les ébats de nos aigles, au-dessus du monde, que l’on entrât à Berlin ou à Vienne, au Vatican ou au Kremlin ? Vers ces hameaux perchés sur le flanc des montagnes, perdus dans le fond des vallées, le vent ne chassait point des nuages de poudre et de gloire. Ils aimaient, eux, leurs prairies vertes, leurs blés jaunes : ils tenaient comme des arbres à la terre sur laquelle ils avaient poussé, et ils maudissaient la main qui les déracinait. Il ne reconnaissait pas, cet homme des champs, de loi humaine qui pût lui prendre sa liberté, faire de lui un héros quand il voulait rester un paysan. Non pas qu’il frémît à l’idée