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« Il tombe de grosses gouttes, dis-je à Matoussaint en étendant la main.

— Ce ne sont pas des gouttes, c’est quelqu’un qui a craché, répond-il tout haut ; mais tout bas, à l’oreille, il me souffle ses craintes. »


Il n’est plus permis de nier les gouttes sans être taxé d’impudence ; d’ailleurs nous voyons de loin s’arrondir des parapluies. Le premier qui s’arrondit fit pâlir Matoussaint !

Nous nous regardons trois ou quatre, avec des yeux tristes, mais nous nous contentons de relever les collets de nos habits — comme des colonels qui, contre les balles, en tête des régiments, redressent seulement la tête de leur cheval, et vont crânes sous le feu.

Ça tombe, ça tombe !

Les sergents de ville ne se fâchent pas ; au lieu de barrer la révolte, ils s’écartent ; ils se mettent à l’abri sous les portes et font même signe qu’il y a encore de la place pour un.

Nous arrivons sur la place Bourgogne.

La sentinelle crie : Qui vive ? Le poste a couru aux armes.

« Ceignons nos reins, dit Matoussaint. Êtes-vous bien trempés ? ajoute-t-il d’une voix de héros en se retournant vers ceux qu’il croit les plus résolus.

Trempés !… Mais oui, pas mal comme ça ! »


Dans la Chambre on s’est ému de ce qui se passe sur