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Au chemin de fer, en débarquant, j’ai croisé une femme qui, sans être en deuil, avait un crêpe noir. On la montrait du doigt. J’ai deviné qui elle était !

Je n’ai pas eu de colère contre elle !

C’est moi qui me prends à la plaindre quand les autres l’accusent. — L’accuser ? Et pourquoi ? Après tout, mon père lui doit, peut-être, des heures de bonheur — elle l’avait compris. Mais sa vie, à elle, est perdue !

La cloche sonne… le train part.

Où va-t-elle ?…


Me voici dans la maison en deuil, sur une chaise, près du lit où repose le cadavre.

Ma mère est dans la chambre voisine, blanche comme de la cire.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J’ai fermé la porte, j’ai voulu être seul.

Je tiens à n’avoir d’autre témoin de mon rêve ou de mes larmes que celui qui est là sous ce drap blanc.


C’est la première fois que nous sommes à côté l’un de l’autre, tranquilles, ou dans un silence sans colère. Nous avons été longtemps deux ennemis. On se raccommoda, mais la réconciliation prit une soirée : la lutte avait duré dix ans, — cela, parce que nous avions lâché la terre, la belle terre de labour sur laquelle nous étions nés !

Par le calme de cette nuit, à travers la croisée restée entrouverte, j’aperçois là-bas de vieux arbres,