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Je verrais aussi ces cousines, qui logèrent dans le cadre rouillé de mon enfance le pastel d’or d’un jour d’été.

Quand je retournai là-bas pour le projet de mariage avec cette mépriseuse de pauvres, je comptais me gorger des odeurs du pays, boire — à m’en soûler — aux sources perdues dans l’herbe, je comptais mâcher des feuilles, embrasser des chênes, donner ma peau à cuire au soleil !

Je partis sans avoir touché la main de Marguerite, la belle cousine, sans avoir cassé une motte de terre avec le museau de mes bottines de Paris !

Et depuis j’ai vécu, dans les bibliothèques, les garnis, les coins sales !

Je n’ai jamais pu sortir de ma bourse un jour de bonheur à travers les champs, avec ma jeunesse chantant dans ma tête ou la jeunesse d’une autre sautant à mon bras ! moi qui ai tant de parfums dans mes souvenirs, et qui entends rouler tant de sang dans mes veines !

J’ai besoin de rafraîchir ma vie.

Il me faudrait 300 francs pour aller au Puy !

« Je vous les avance, m’a dit un garçon, si vous me promettez, au retour, de passer ma version de bachau pour moi. »

Mais c’est un faux ! Si je suis pris, c’est la prison.

« Dites-vous oui, dites-vous non ?

— Je ne dis pas non… je vous demande jusqu’à demain. »

J’allais céder, bien sûr, céder pour le grand air et