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On avait le droit de me faire souffrir et, si je me plaignais, on disait que j’étais un mauvais fils et un mauvais sujet. Je devais finir par demander pardon.

Aujourd’hui, cinq hommes sont là, par le hasard d’une querelle, à la discrétion de mon courage, insulteur, témoins et médecin !

Il m’en vient un sourire et même un bout de chanson sur les lèvres. Je fredonne malgré moi, comme on se frotte les mains quand on est joyeux.

« Tais-toi ! » a fait Collinet à demi-voix.

Il a raison. Je diminue la belle cruauté de notre duel.

Les témoins nous rappellent.

« À vos places ! »

Nous devons faire un pas pour indiquer que nous y sommes. Ce pas fait, nous avons le droit de rester immobiles ou de marcher et d’attendre.

Je voudrais le toucher. Il a fini par m’irriter avec ses refus d’excuses. Ma foi, tant pis s’il me descend !

Cette fois encore, je tire le premier.

Legrand reste debout, avance, avance encore.

C’est long. Il tire. Je me crois blessé.

La balle a marqué à blanc. — Comme celles qu’il envoyait hier dans l’homme en tôle.

Elle a enlevé le lustre du drap et éraillé la manche de mon habit.

Nouvelle démarche des camarades pour arrêter le combat.

Non !

Je trouve que Legrand a tiré trop bien, et moi trop