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veux voir comment il a le nez fait quand on l’irrite, et quel nez je ferai en face de lui.

Nous sommes arrivés, je ne sais après quelle longueur de rêves et quelle longueur de chemin, jusqu’à Robinson.

Nous apercevons l’arbre tout fleuri de filles en cheveux qui sifflent comme des merles ou roucoulent comme des tourterelles.

C’est la fête !

Les balançoires volent dans l’air, avec des femmes pâmées et qui serrent leurs jupes entre leurs jambes qu’on voit tout de même…

Je me rappelle les reinages de chez nous et les belles paysannes aux gorges rondes, autour desquelles rôdaient mes curiosités d’écolier. Ma chair qui s’éveillait parlait tout bas ; aujourd’hui qu’elle attend la blessure, elle parle aussi.

« À quoi penses-tu ? me dit Collinet.

— À rien, à rien !… »

Et nous traversons le champ de foire…

Sur une baraque de lutteurs les hercules font la parade. Ils frappent à tour de bras le gong de cuivre pommelé, et soufflent de toute la force de leurs poumons dans le porte-voix qui aboie et mugit.

Autour d’un tir, on épaule les carabines. Ces détonations déchirent dans ma tête claire une rêverie qui commence et ramènent les témoins à leur mission.


C’est dans un coin éloigné du bruit, devant une table que cerne et étouffe une ceinture de feuillage, qu’on discute les conventions dernières.