Je fais arrêter le sapin au premier bureau de tabac que nous apercevons, et j’achète un gros cigare, très gros.
On m’offre des fleurs par la portière.
Je ne veux qu’un bouquet d’un sou. Je n’arrachais qu’une poignée d’œillets ou de violettes dans les jardins des autres, quand j’étais petit : plus tard, je ne pouvais pas rogner mon pain pour enrichir les bouquetières, et j’ai gardé l’amour des touffes discrètes qu’on serre contre sa poitrine ou dans la main ; je presse les fleurs entre mes doigts tièdes, et tout un monde d’images fraîches danse dans ma tête, comme quelques feuilles vertes que le vent vient d’arracher des arbres.
Les camarades ne parlaient pas. À mesure qu’on avançait, la tristesse de la zone, la solitude des champs, le silence morne, et peut-être le pressentiment d’un malheur, arrêtaient les paroles dans leur gorge serrée ; et je me rappelle, comme si j’y étais encore, que l’un d’eux me fit peur avec sa tête pâle et son regard noyé !…
Ah bah ! Ce duel doit tasser le terrain de ma vie, si ma vie n’y reste pas. Aussi, quand j’y suis, faut-il que je l’organise digne de moi, digne de mes idées et digne de mon drapeau.
Je suis un révolté… Mon existence sera une existence de combat. Je l’ai voulu ainsi. Pour la première fois que le péril se met en face de moi, je