Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/408

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parler par la bouche des pistolets ou la langue pointue des épées.

Mais une piqûre ne serait point assez. L’épée ne suffit pas ; elle ne ferait qu’égratigner le grand miroir sombre qui, sous le geste de Legrand, m’a semblé sortir de terre et se dresser devant moi — pour que j’y voie se refléter l’image de notre jeunesse drapée de noir !

Il faut tirer là-dessus, tirer à balles, tirer jusqu’à ce que l’on entende du fracas.

« Vous direz aux témoins de M. Legrand, que nous nous battrons, s’il le veut, jusqu’à ce que l’un des deux tombe.

— Vous direz à M. Vingtras que j’accepte. »

Il est samedi, huit heures du soir. Nous avons le temps de tout régler pour demain.

Régler les conditions, oui ! Mais trouver les armes, non. Nous n’avons pas le sou.

Il faut de l’argent pour louer des pistolets et aller se battre dans la campagne.

Ce ne sera que pour lundi. On pourra mettre au clou, lundi ; mais on n’engage pas, le dimanche.

Collinet, notre condisciple de Nantes, l’étudiant en médecine qui doit assister en cette qualité à la rencontre, possède une chaîne et une montre d’or. On lui prêtera bien 80 francs là-dessus. Avec ce que j’ai, ce sera assez pour notre part.

Legrand a besoin aussi de vingt-quatre heures pour trouver ce qu’il lui faut.

À quelle heure ouvrent les clous ?