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Il faut pour cela que j’aie les cinquante centimes du déjeuner, plus les deux sous pour le garçon : il faut aussi que je ne sois pas trop ridicule de mise et n’aie pas l’air trop râpé. On peut avoir une blouse sale — c’est le travail qui a fait les taches — mais un habit noir fripé vous fait remarquer dans ces quartiers simples. On croit qu’il a été sali par des vices.


J’achevais mon dessert, le nez dans le journal.

Le patron entre avec un homme que je reconnais.

Il chantait le Vin à quatre sous, du temps de l’Hôtel Lisbonne, quand nous allions à Montrouge — sous le grand hangar — où l’on buvait assis sur les bancs de bois, dans de gros verres.

Ils sont camarades, le maître du restaurant et lui, et ils viennent siffler — loin de la chaleur des fourneaux — une bouteille de bordeaux frais.

Ils trinquent, retrinquent, causent et discutent à propos de chansons.

À un moment, ils ont besoin d’une consultation.

Le patron dit :

« Adressons-nous à monsieur. »

C’est de moi qu’il parle, et vers moi qu’il se tourne.

« Vous prendrez bien un verre de vin avec nous ? et vous nous direz qui a tort de nous deux. »

C’est offert de bon cœur, et j’accepte.

« Voici la chose : Je dis à Rogier qui est là, qu’il ne doit pas dire Diogène mais Diogerne — pas Gène ; Gerne ! J’en appelle à vous, fait le cuisinier en enfon-