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frérie des Bescherellisants, des Boisteux, des Poitevinards.

Des propositions me sont faites de la part d’une maison de la rue de l’Éperon, qui a besoin de grammairiens à bon marché.

On m’offre un centime la ligne — deux sous les dix lignes — un franc le cent, — et encore il faut ajouter quelques citations des écrivains célèbres. Chaque sens particulier doit être appuyé d’un exemple.


On n’arrive pas à plus de 2 fr. 50 par jour, en travaillant et en fouillant les écrivains célèbres ! — C’est long de chercher les exemples dans les livres !…

J’ai trouvé un moyen pour aller plus vite.

C’est malhonnête, je trouble la source des littératures !… je change le génie de la langue… elle en souffrira peut-être pendant un siècle… mais qui y a vu et qui y verra quelque chose ?

Voici ce que je fais.

Quand j’ai à ajouter un exemple, je l’invente tout bonnement, et je mets entre parenthèses, (Fléchier) (Bossuet) (Massillon) ou quelque autre grand prédicateur, de n’importe où, Cambrai, Meaux ou Pontoise.

C’est l’aigle de Meaux que je contrefais le mieux et le plus souvent.

Mais s’il ne me vient pas sous la plume quelque chose de bien bouffi, bien creux, bien solennel, bien rond, je remonte d’un siècle, je mets mes citations sur le dos des gens de la Renaissance ou du Moyen âge.