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J’ai affaire à un excellent homme, fort poli, point bégueule, qui me dit :

« J’ai justement besoin de quelqu’un, mais je ne suis pas riche. Je vous paierai peu, je ne vous paierai même pas. Je vous ferai avoir une table d’hôte et une chambre. Je connais un gargotier et un logeur. — En échange de ce crédit dont je répondrai, vous viendrez à neuf heures du matin et vous partirez à six heures du soir — avec une heure pour le déjeuner. Mon fils vous indiquera votre travail. J’ai tout mâché depuis quinze ans. Cependant, votre éducation pourra m’aider, et vous vivrez… Vous n’avez pas d’autre ressource ?

— J’ai 440 francs par an.

— C’est quelque chose…, c’est beaucoup ! Je n’ai pas, moi, 440 francs par an ! — et j’ai 55 ans. Avec du courage, vous pourrez vous en tirer… Vous ne finirez pas à l’hôpital… Si vous voulez, vous pouvez prendre votre chaise dans la salle dès aujourd’hui. »


Cela a duré quelque temps — mais un jour, il est survenu des querelles entre le grammairien et l’éditeur — le pauvre grammairien a été vaincu, et il a dû rogner son budget et se priver de mes services.

Pendant que j’étais chez lui, j’avais crédit, dans un petit restaurant, d’un déjeuner de dix sous le matin, d’un dîner de 1 fr. 25 le soir — une chambre de 12 francs — oh ! bien laide, bien triste !

Mais j’ai mis le pied à l’étrier.

On se connaît de lexique à lexique. Il y a la con-