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Je puis me pencher sans danger maintenant, pour corriger les devoirs.

Il y a une des mères, trente ans, cheveux d’or, rire d’argent, qui a toujours quelque chose à me montrer sur le cahier de son fils et qui se penche aussi, en appuyant le bout de ses seins sur mon épaule…

Un matin, ma jaquette m’allait bien, paraît-il, dans le demi-jour qui baignait la classe de latin — le corsage de la dame aux cheveux d’or luisait et sentait bon comme un gros bouquet ! Sur un coin de cahier elle avait en souriant dessiné une tête échevelée qui ressemblait fort à la mienne.

Nos lèvres se sont rencontrées…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Elle m’a présenté à son mari, l’autre soir.

« L’enfant ferait-il des progrès en prenant des répétitions ? me demande-t-il.

— Beaucoup. »

Je n’ai pas dit ce « beaucoup » — là, comme j’ai dit le beaucoup à M. Caumont, quand il m’a demandé, à propos du Dieu des jardins, si j’aimais les arts.

Mon beaucoup a été entraînant et passionné.

M. Martel, le mari, voit déjà son fils traduisant les Verrines (ce qui serait bien utile pour son commerce, n’est-ce pas ?) et il me demande mes prix. Jadis, j’aurais répondu : 2 francs l’heure, 20 sous même, si j’avais eu le derrière sur les épingles. Je ne l’ai plus sur des épingles, qu’on le sache ! et qu’on se le tienne pour dit une bonne fois !