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à tout hasard, parce que la maison a l’air de plaire à M. Caumont.

« Vous aimez les arts, M. Vin-tras ?

— Beaucoup. »

Il attendait plus, je le vois.

J’ai répondu comme s’il m’avait interrogé sur un plat, des radis, des boulettes, de mou de veau ; je crois bon d’insister, de donner un peu plus de développement à ma pensée et je répète d’un petit air échauffé :

« J’aime beaucoup les arts ! »


Je suis habillé…

On se charge aussi de me procurer un chapelier et un bottier. À chaque commande j’ai un frisson.

J’hésite à m’endetter, mais les camarades m’y poussent…

« Tu végètes avec tes capacités ; quand tu pourras te présenter partout, tu gagneras de quoi payer tes dettes et au delà ! »


Je me laisse aller, d’autant mieux que je grille d’être bardé de drap fin et chaussé de chevreau.

On me fait des compliments sur mon pied chez le bottier. Il paraît que je ne l’ai pas trop vilain — je ne l’ai jamais su.

Je n’ai encore usé que les bas de ma mère, ou bien je me suis chaussé à la fortune du pot — à six sous la paire — toujours forcé de rentrer le bout sous les doigts de pied, ou de plier le talon comme