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J’ai fermé ma fenêtre du geste d’un dompteur qui boucle la porte de la cage où est le tigre et s’enferme avec lui.

RÉGICIDE.

Il m’est venu une pensée !…

Elle me serre le crâne et me tient le cerveau. Je n’en dors pas de la nuit.

Plus de calme, voyons ! Tes amis ont raison — il faut voiler ton œil, cacher ta fièvre, étouffer tes pas.

Il faut marcher à ton but prudemment, pour pouvoir arriver, sauter et faire le coup…


Je n’oserai pas tout seul !

Il faut que j’aille consulter ceux qui ont de l’expérience et qui approchent les hommes influents du parti.

Il y a Limard, Dutripond, dont j’ai fait connaissance en 51.

Je les trouve gris, en face d’une absinthe qui est la cinquième de la soirée, et ils s’avancent vers moi en titubant ; ils me prennent les mains et me tirent par les basques, baveux et laids, l’œil écarquillé, la bouche béante.

« Laissez-moi !… »

Je les écarte d’un geste trop fort, l’un d’eux va rouler dans le coin ; il se relève gauchement avec des allures d’estropié.

C’est qu’aussi j’ai été irrité et indigné en les voyant