Oh ! ma jeunesse, ma jeunesse ! Je t’avais délivrée du joug paternel, et je t’amenais fière et résolue dans la mêlée !
Il n’y a plus de mêlée ; il y a l’odeur de la vie servile, et ceux qui ont des voix de stentor doivent se mettre une pratique de polichinelle dans la bouche. C’est à se faire sauter le caisson, si l’on ne se sent pas le courage d’être un lâche !
Quand j’ai lâché en fermant ma porte, le cri que j’avais gardé au fond de ma gorge, dans les cafés, chez mes amis, le long du chemin plein d’agents et de soldats ; à ce bruit, on a dû se demander dans la chambre à côté, s’il y avait par là un sanglier mangé par des chiens !
Ah ! ils disaient au collège que les gamins de Sparte se laissaient dévorer le ventre par le renard ! Je me sens le cœur dévoré, et il faudra que, comme le Spartiate, je ne dise rien ?
Que je ne dise rien ?… de combien de semaines, de combien de mois, de combien d’années ?…
Mais c’est affreux ! Et moi qui avais pris goût à la vie !… qui avais trouvé le ciel si clair, les rues si joyeuses !…
Malheureux ! Il n’y a plus qu’à se tapir comme une bête dans un trou, ou bien à sortir pour lécher la botte du vainqueur !
Je le sens !… c’est la boue… c’est la nuit !…