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En effet, il est là, en redingote, il ne porte plus de robe de chambre.

Mais c’est la peste du chagrin, la gale du désespoir !… Il a l’air si las et si triste ! Sa robe de chambre le vieillissait moins. Où donc a-t-il pris ce teint gris, ce regard creux ?

« Tu as été malade ?

— Non… »

Lisette arrive.

Oh ! non, vous n’êtes plus Lisette !

« Quel vent a donc passé, qui vous a changés ainsi tous deux ?… Vous ne m’en voulez pas ?… Ce n’est pas parce que ma visite vous déplaît ?

— Mais non, non ! »

Un « non » qui jaillit du cœur.

« Nous sommes si heureux de te revoir, au contraire ! Nous te croyions perdu, enlevé, mort.

— J’ai eu ma part de supplice, en effet… »

Je leur racontai ma vie de Nantes.


Je file chez Rock, qu’on ne voit que par hasard chez Pétray, parce qu’il reste trop loin.

Il ne demeure plus où il demeurait, lui non plus.

Tout le monde a délogé. On était connu comme républicain par le concierge et les voisins ; ils savent qu’on a été absent pendant les événements de Décembre. Il y a à craindre les dénonciations et les poursuites, et l’on a porté ailleurs ses hardes, sa malle et sa douleur.