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Ce bureau est une pièce noire, humide, bien triste. Cette vieille n’a pas l’air gaie non plus ; rien de la femme de roman.

Je la fais causer tout en demandant si elle a quelque chose de libre.

Causer ? — Elle cause peu ; on dirait même qu’elle redoute de montrer sa maison aux voyageurs, et qu’elle craint qu’on n’y découvre un mystère comme dans une pièce que Legrand m’a racontée : on versait du plomb fondu dans l’oreille des gens quand ils étaient couchés, puis on les coupait en morceaux, et on les donnait à manger aux cochons ! Je crois même que le voile se déchirait sur une exclamation d’un voyageur qui s’écriait : « Comme vos cochons sont gras ! » L’aubergiste se troublait, le voyageur le remarquait, et l’on remontait ainsi à la source du crime.


La vieille me montre une chambre qui est toute chaude encore du dernier locataire. Le lit est défait, la table de nuit trop ouverte. Il y a un faux-col éraillé sur le carreau.

« Combien ?

— Dix-huit francs. »

Elle reprend :

« Vous avez une malle ? Qu’est-ce que vous faites ? Vous êtes étudiant ? »

Va pour étudiant ! — J’écris « étudiant » sur le livre de garni.

Ah ! ce livre ! où il y a de toutes les écritures, où les