Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mon père me parle presque avec bonté depuis quelque temps.

La barrière de glace qui séparait Vingtras senior et Vingtras junior est trouée, et désormais la vie est moins pénible ; toujours aussi bête, mais point si gênée et si cruelle.

Qu’est-ce que cela veut dire ?


J’ai oublié qu’il y avait au pays jadis une créature qui m’aimait, qui fut la protectrice de ma vie d’enfance… qui depuis notre départ ne nous a donné de ses nouvelles que deux fois — deux fois seulement — mais qui n’a pas cessé de penser à moi. Bonne mademoiselle Balandreau !

On a appris, je ne sais comment, à la maison, qu’elle est depuis longtemps souffrante et paralysée, ne pouvant écrire, mais qu’elle parle de Jacques et qu’elle a fait venir le notaire pour lui annoncer qu’elle voulait — quand elle mourrait — laisser au petit Vingtras ce qu’elle avait.

Mon oncle m’avait parlé aussi autrefois de me faire son héritier. Est-ce que les douleurs des enfants les font aimer des vieillards ?

Toujours est-il qu’on connaît à la maison — sans m’en rien dire — la maladie et le vœu de mademoiselle Balandreau, et voilà pourquoi on me ménage maintenant.


Un jour ma mère m’appelle.

« Jacques, ton père a à causer avec toi. »